Sacha Senchuk

Ce n’est pas notre guerre

Publié le 17 décembre 2024

Lorsque Poutine a décidé d’envahir l’Ukraine pour annexer ses territoires, le soutien initial à l’Ukraine a été massif chez les Européens.

Et c’est une bonne chose qu’on se sente concernés. Nous avions de bonnes relations avec la Russie, nous faisions du commerce avec eux, nous appréciions leur culture, nous écoutions leurs musiciens, lisions leurs livres, collaborions sur la station spatiale internationale.

La Russie, dans notre imaginaire collectif, faisait l’objet de considération et de fascination.

Mais une guerre expansionniste est contraire à nos valeurs actuelles. Qui, en France, songerait d’aller envahir les Belges sous prétexte qu’il y a des francophones et des Français qui y vivent ?

Difficile aussi de se rendre compte de l’échelle de cette guerre. L’Ukraine ayant une superficie vingt fois plus importante que la Belgique, la guerre russo-ukrainienne est un grand massacre. Ce sont des villes et des villages par milliers de km2 qui sont réduits en cendres, des millions de déplacés, des centaines de milliers de morts et des blessés de guerre.

Ce n’est pas cette barbarie-là que nous attendions de la part de nos “amis” russes. Rien ne justifie un tel mépris pour l’humanité. Nous devons réclamer paix et justice.

Accepter cette guerre avec ses conséquences, c’est aussi donner notre accord à la Russie pour que le même sort s’impose aussi à nos voisins et ensuite à nous, un peu plus tard. C’est reproduire la même erreur que Martin Niemöller :

Les nazis sont venus d’abord chercher les socialistes, et je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas socialiste.

Quand ils sont venus chercher les syndicalistes, et je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas syndicaliste.

Quand ils sont venus chercher les juifs, et je n’ai rien dit, parce que je n’étais pas juif.

Puis, ils sont venus me chercher, et il ne restait plus personne pour me défendre.

— Martin Niemöller

Est-ce que c’est cette même histoire que nous souhaitons écrire aujourd’hui ? Même des intellectuels comme Lionel Dricot tombent dans le panneau :

J’ai alors pensé que si Vladimir Poutine a envahi l’Ukraine, cela ne change rien à ma vie. Cela ne change rien à ce que je peux faire. À ce que je dois faire. Bref, je m’en fous.

— Lionel Dricot, Chapitre 7 : l’hystérie médiatique

Je comprends que Lionel prenne l’exemple de l’Ukraine pour expliquer qu’il peut très bien vivre sans suivre l’actualité au jour le jour. Mais il y a une différence entre ne pas suivre l’actualité et déclarer, comme un fataliste, que cela ne change absolument rien à sa vie, à ce qu’il doit faire ?

J’aurais pu imaginer une telle réaction de la part d’une personne qui vit sous une dictature (c’est le cas de nombreux Russes), mais de la part d’un écrivain qui vit dans un pays libre, qui sait diffuser ses idées, qui œuvre pour avoir une influence positive sur son public ?

Je crois sincèrement que Lionel est quelqu’un de bien et qui a un impact positif autour de lui. Lionel ose défier les lois pour promouvoir l’utilisation du vélo. Lionel a écrit un nouveau livre, Bikepunk, qui lui permet de partager ses idées, et il est déjà victime de son succès.

Mais lorsqu’il est question d’une guerre insensée sur notre continent qui anéantit tout ce que nous avons construit, il affirme qu’il n’y peut rien et nous conseille… de fermer les yeux et de faire comme si de rien n’était.

Alors peut-être qu’il est temps que nous prenions nos responsabilités, et que nous agissions, chacun avec ses moyens, avant qu’il n’y ait plus personne pour nous défendre.